« Et l'autre reste là, le meilleur ou le pire, le doux ou le sévère, cela n'importe pas, celui des deux qui reste se retrouve en enfer. »  © Jacques Brel

Le regard absent, dans le vague, se tenant droite, Avery Murray tentait de ne pas céder. Il était tout bonnement inenvisageable qu'elle fonde en larmes devant toutes ces personnes, qui s'étaient réunies pour rendre un dernier hommage à Charisma Hamilton. Elle le lui devait aussi : rester forte, garder la tête haute et surtout, serrer les dents. Serrer, serrer, serrer... jusqu'à ce qu'elle refoule ses larmes. Elle savait que toutes les personnes présentent lui jetaient, de temps en temps, des regards en biais, pour voir comment elle tenait le choc. En réalité, Avery aurait tout donner pour être loin, très loin de cet endroit ! Elle aurait aimé être dans cette petite cabane, au bord d'un lac, quelque part à Cape May. Cet endroit où, elle et sa mère adoptive, s'étaient toujours rendues, quand un drame se passait dans la vie de l'une ou de l'autre. Cet endroit où elle lui avait apprit qu'elle avait été adoptée. Mais qu'elle l'aimait comme sa propre fille. Qu'elle l'avait aimé dès qu'elle avait posée les yeux sur elle, alors qu'Avery n'avait que quelques jours... Charisma Hamilton ne l'avait peut-être pas portée neuf mois dans son ventre, comme la femme qui l'avait abandonnée, mais elle l'avait élevée durant vingt-deux ans. Lui payant les meilleurs écoles, lui permettant d'avoir un avenir brillant et assurée. L'aidant à se relever lorsqu'elle chutait, la consolant lorsqu'elle avait une peine de cœur ou une quelconque déception, la félicitant de chacune de ses réussites et poussant d'un rêver de la main ses rares faux pas. « Avery... » au son de son prénom, la jeune femme fixa son regard sur le jeune homme se tenant face à elle. Jack. Ou son premier amour. Elle ne desserra pas les dents, ne fit aucun sourire en coin, son regard restant aussi froid. Impénétrable. « Avery, je suis désolé » Pourquoi, dans ces moments-là, alors qu'on ne désire qu'être seul avec sa peine, les gens s’agglutinent autours de vous ? Pourquoi, alors que notre gorge et notre estomac sont noués, les personnes nous apportent de la nourriture ? Et surtout, surtout, pourquoi est-ce que ces idiots sans nom viennent-ils s'excuser d'une chose sur laquelle ils n'ont aucun emprise ? En ce moment-même, Avery n'avait qu'une envie : hurler à tout ces gens de partir. De quitter cette maison où elle avait été élevée par Charisma, qui avait été seule, lui avait tout donné sans l'aide de personne. Beaucoup l'avait jugé : « adopté un enfant à ton âge ? C'est ridicule Charisma ! » et très peu l'avait soutenue. Et voilà qu'aujourd'hui, tout ces gens, ces médisants, étaient dans son salon. Et parlaient de ces « bons souvenirs avec cette chère et tendre Charisma. »
« Dégages d'ici... Dégages et emmènes tout ces foutus vautours avec toi ! » et tournant les talons, la jeune femme quitta cette belle maison dans laquelle elle venait de passer vingt-deux merveilles années...

« Une idée, c'est comme un microbe en sommeil : tôt ou tard, quelqu'un finit par l'attraper. » © Stephen King

Derry était... Derry. Un an plus tôt, quand Avery Murray avait débarquée dans cette ville, elle ne s'attendait pas du tout à y trouver des frères et sœurs. Surtout pas une personne comme Osiris Murray. Elle était venue la mort dans l'âme, alors qu'elle était jeune diplômée de l'Université de Boston, devant se rendre dans cet endroit de malheur alors que tous ses amis fêtaient la nouvelle au Mexique ! En pensant se retrouver dans une foutue bourgade de quelques âmes, tous vivants encore comme au Moyen-Âge, elle avait eu sa première surprise en découvrant une grande ville, à l'architecture superbe. Et avec l'internet et l'eau courante ! La seconde surprise, ce fut de savoir qu'elle n'avait aucune dette à éponger. Et la troisième, de passer du statut d'enfant unique, à celui de fille d'une grande fratrie. À croire que les Murray avaient engendrés les gosses, les abandonnant tout de suite après leur naissance... Osiris Murray, de deux ans sa cadette, était l'un des enfants qui avaient subit cet acte stupide et minable, des Murray. Et qui, elle aussi, avait gardé le même nom de famille. « Alors comme ça, j'ai une petite sœur... » et regardant deux autres visages présents ce jour-là, marmonna « ... enfin, au minimum une ! » sans trop savoir combien ils étaient en tout. Quelques jours plus tard, Avery reprenant le chemin de Boston. Gardant contact avec Osiris, mais avec comme un ''manque''. Un an plus tôt, elle perdait sa mère biologique, la seule femme qui avait toujours été là pour elle. Sa seule famille, jusqu'alors connue ! Et aujourd'hui, presque un an, jour pour jour, après ce drame qui avait dévastée la jeune Murray, elle apprenait qu'elle avait une petite sœur. Bon, certes, les deux femmes n'avaient pas été élevées ensemble, elles ne se connaissaient presque pas... voir pas du tout ! Mais, elles étaient restées en contact. Et Avery devait bien l'avouée : rien ne la retenait plus ni à Philadelphie où Charisma était décédée, ni à Boston où elle avait finie ses études. Alors qu'à Derry, elle pouvait enfin commencer une nouvelle étape de sa vie, entourée. Trois mois après leur première rencontre, Avery avait suggérer son emménagement dans le Maine à sa sœur, qui lui avait déclaré, le plus naturellement du monde : « Il y a de la place chez moi, si tu veux... » et voilà que, depuis quelques mois maintenant, les Murray vivaient en colocation. Bon, l'entente n'était pas toujours au beau fixe. La cohabitation entre une avocate et une journaliste pouvant faire des étincelles ! Mais au moins, ici, Avery avait une famille. Même si elle avait parfois des doutes, sur la santé mentale d'Osiris et des habitants de Derry !